Lettera n. 160

Mittente
Manzoni, Alessandro
Destinatario
Fauriel, Claude
Data
29 maggio 1822 - 31 maggio 1822 (ce 29 Mai 1822. - P.S. 31 Mai)
Luogo di partenza
Milan
Luogo di arrivo
[Paris]
Lingua
francese, italiano
Incipit
Quelque fût mon empressement
Regesto

Manzoni spiega a Fauriel i contrattempi che hanno condizionato la spedizione della copia dell'Adelchi; suggerisce alcune correzioni alla Lettre allo Chauvet insieme ad alcune osservazioni sulla traduzione delle tragedie che l'amico intendeva eseguire e lo informa sulla stesura del romanzo.

Testimoni
Edizioni
  • DE GUBERNATIS 1880, p. 334.
  • SFORZA 1882-1883, vol. I, p. 234.
  • SFORZA 1912-1921, vol. II, p. 19.
  • ARIETI-ISELLA 1986, lettera n. 160, vol. I, pp. 264-272, note alle pp. 835-837.
  • CARTEGGIO MANZONI-FAURIEL 2000, lettera n. 70, pp. 346-354, note alle pp. 355-360.
Opere citate

Adelchi; Discorso sopra alcuni punti della storia longobardica in Italia; Il Conte di Carmagnola; I promessi sposi; Lettre à M.r C*** sur l'unité de temps et de lieu dans la tragédie

+ Testo della lettera

Quelque fût mon empressement, mon impatience même de justifier devant vous un si long retard, je n'ai pas eû le courage de vous écrire, tant que je ne pouvais mettre dans ma lettre: Adelchi est parti, ou partira tel jour. Je tiens enfin la copie qui vous est destinée, et je la donnerai à la Diligence, si les recherches que je fais d'une occasion demeurent sans effêt. Quoiqu'il en soit, je ne fermerai pas le present chiffon sans y avoir consigné une notice positive sur cet Adelchi, que je rougis de nommer.
Après l'espoir que je vous avais temoigné dans ma dernière lettre de vous envoyer ce fameux paquet à une époque très rapprochée, après l'empressement plus qu'aimable que vous m'avez montré de le recevoir, vous ne me fairez pas le tort de croire que j'aie mis de la négligence dans une chose qui était réellement devenue importante par l'intérêt que vous vouliez bien y prendre; et vous ne doutez pas que je ne dusse être de jour en jour plus tourmenté de la pensée que vous vous trouviez dans l'incertitude sur un engagement que vous aviez pris en comptant sur moi. Mais écoutez la lamentable histoire. Tandis que je cherchais un copiste, et que j'étais en peine d'en trouver un assez intelligent pour tirer un texte clair et suivi d'un brouillon informe, hérissé, bourgeonné de ratures, de mots substitués, de renvois, un de mes amis me parla d'un amateur qui ne demande pas mieux que d'avoir quelque chose à copier pour se désennuyer dans les soirées d'hiver. Je lui donnai vite mon manuscrit, en recommandant, avec tous les égards dus à un amateur, une grande célérité. On me la fit espérer; puis de bonnes raisons survinrent, puis on m'assigna, des termes plus éloignés que d'autres bonnes raisons firent manquer: bref, ou pour mieux dire, long, je n'eus ma copie qu'après six semaines ou environ; ce qui ne diminue en rien ma reconnaissance, mais ce qu'il ne fallait pas vous taire. Après cela il a fallu recrépir quelques trous faits par la censure, et cela a emporté quelques autres jours. Enfin avec une belle copie, je crus que rien n'était plus aisé que d'en faire tirer une autre; mais j'eus encore du malheur: car la personne, que l'on me proposa pour cette besogne, y était si empêchée qu'après l'avoir conduite à la lisière un peu de temps, je fus forcé de la remercier, et de recommencer; un autre amateur s'offrit: vous trouverez, j'espère, son travail assez exact; mais il lui a couté à peu près 3. semaines. Je crois vous avoir rendu compte des deux mois et demi que je vous ai retenus malgré moi, au lieu des quinze jours que je vous avais demandés.
Je ne sçais plus à présent si Adelchi arrivera à temps, ou si dans ce long intervalle il ne sera pas survenu quelque chose qui vous ait fait renoncer au dessein de vous en occuper, dessein dont, pour mon compte, je n'ai été que trop enchanté, mais que jamais je ne pourai approuver pour le votre. Toutesfois dans le doute, il faut absolûment que je vous communique quelques idées qui supposent que vous persistiez dans votre charmant et peu raisonnable projet. Hélas il faut que je commence par répondre à une proposition que vous me faites, en vous priant de n'en rien faire. Il s'agit de cette déclaration que vous vouliez mettre dans un avertissement, que quelques corrections faites à Carmagnola viennent de moi. Sachez que par une telle déclaration vous m'accuseriez en propres termes d'infraction aux règlemens de la censure qui défendent de rien publier en aucune manière ni à l'intérieur, ni a l'étranger, sans approbation. Mais le changemens seront fort legers et irreprehensibles, me direz vous. Cela ne suffit pas, cher ami, car il y aurait toujours déclaration d'avoir fait ce qui est défendu. Si j'avais pu prevoir que la copie devait trainer tant en longueur, je vous aurais prié de m'en envoyer les passages corrigés, je les aurais traduits, et je vous les renverrais à present avec un bon imprimatur: mais pour le moment il n'y faut plus penser. Vous sentez bien que je n'entends pas pour cela perdre le double avantage des ritocchi que vous pouvez avoir faits à Carmagnola; car d'abord il en sera meilleur en français, et je pourai en profiter pour l'améliorer en italien. Ainsi je vous demande de le publier avec les | additions et les retranchemens, que vous jugerez convenables à ses intérêts: seulement il ne faut pas qu'aucun changement me soit attribué.
Et la lettre à M.r Chauvet? J'y ai pensé, et elle est approuvée; mais si je n'avais pas eu par bonheur cette copie que vous m'avez fait le plaisir de m'envoyer cet hiver, et que je ne vous avais pas demandée dans cette intention, puisqu'alors je ne savais pas qu'une telle précaution fut nécessaire, si dis-je je n'avais pas eu cette copie à présenter, je devrais à-present vous prier de ne plus songer à publier cette lettre. A-propos de la quelle il faut que je vous donne encore de l'ennui en vous priant de quelques petites corrections. Il y a quelque part «formule sacrementelle» à quoi je voudrais substituer «mots techniques» ou tel autre tour que vous jugerez à propos. Ensuite, je voudrais retrancher le nom de Schiller qui s'y trouve une fois, et d'une manière qui fait supposer une idée beaucoup plus haute que je ne l'ai réellement de l'importance dramatique de cet écrivain. Vous vous souviendrez peut-être des discours que nous avons tenus sur ce sujet: vos idées ont donné aux miennes là-dessus plus d'étendue et de courage: en relisant les tragédies de Schiller je me suis confirmé dans ces idées: enfin je ne mérite ni n'ose le nommer. Ce retranchement rend necessaire une autre petite correction (ah! pardon de tant d'ennui que je vous donne): il y a vers la fin «si les trois poètes qui ont méprisé ces règles» on poura mettre à la place «si tous les poètes &c.». Enfin à ces paroles «mes romantiques amis» il faudrait substituer «les romantiques» ou «ceux qu'on appelle romantiques» ou tel autre expression que vous jugerez convenable.
Encore un mot sur Carmagnola, et j'espère que je n'aurai plus à vous en parler. Je vous avais prié d'omettre la distinction des personnages en historiques et idéaux, et de mettre une petite note à l'endroit de l'article de Goethe ou cette division est improuvée. Vous avez trouvé, si je m'en souviens bien, un expédient pour ôter l'inconvenient principal. Mais comme je n'ai pas gardé votre lettre, je ne me souviens pas si cet expédient pouvait obtenir l'effet que j'avais principalement en vue, en vous priant de faire cette petite note, et qui était de montrer une déférence à la censure de Goethe, et de motiver la correction sur cette censure. Voyez, cher ami, si vous pouvez faire en sorte qu'on l'entende de cette manière. Ta! ta! ta! je croyais avoir tout dit sur cet ennuyeux Carm[agnola], eh bien, bernicle! j'ai encore un petit scrupule, et qui peut-être est très mal fondé; mais enfin cela ne vous donnera que la peine de lire quelques lignes de plus; et comme disent les marchands des boulevards, la vue ne vous en coutera rien. Il m'est passé par la tête qu'il ne serait pas impossible que dans un avertissement il put vous échapper quelque petit mot sur des critiques essuyées par Carm[agnola]: je sais bien que moi-même, qui me garderais bien d'en faire mention dans ma propre cause, j'aurais un peu de peine à retenir quelques phrases dédaigneuses lorsqu'il s'agirait d'un ami. Si jamais vous aviez cette tentation, je vous prie de la chasser: je vous suis si uni de coeur depuis bien des années, que ce que vous diriez là-dessus, je croirais l'avoir dit, et j'en serais véritablement affligé. Mais tres-probablement vous n'avez jamais eu cette idée: ainsi mettez que je n'ai rien dit.
Je viens de recevoir en ce moment une visite bien agréable: c'est M.r Bocca libraire de Turin, qui dévant partir Dimanche 2. juin pour Paris, et ayant sçu par un de mes amis que je soupirais après une occasion, a bien voulu venir m'offrir de se charger de ma commission. Ainsi je lui donnerai Adelchi avec cette lettre, et je crois pouvoir dire à present que dans quinze jours ou à-peu-près cet enfant qui n'est pas bien précoce, sera dans les mains de son père adoptif.
Je ne vous dirai rien sur cet enfant, si non que si vous voulez bien lui apprendre le français, j'espère que vous profiterez de cette occasion pour refaire son éducation, et pour le rendre aussi bon sujet, que sa naissance peut le comporter. Il est inutile de vous dire que, si la notice historique vous parait trop longue, vous ferez très-bien d'en retrancher ce qui vous parait de trop, ou ce qui vaudra encore mieux, d'y substituer un argument pour informer le lecteur de ce qui est indispensable pour l'intelligence de la pièce. Enfin pour tout ce qui pourait vous paraitre une difficulté, je n'ai qu'une chose à vous dire, qui est de ne pas me consulter, ce qui nous | ferait perdre Dieu sait combien de temps: tâchez d'avoir l'avis de mon ami Fauriel, et faites absolûment ce qu'il vous conseillera de faire. Quant au Discours historique, si vous ne voulez pas être fâché de quelques lignes que vous trouverez dans le 4.eme Chap., vous n'avez qu'à n'y rien comprendre. Vous verrez à la lecture de ce Discours, qu'il ne peut être d'aucun intérêt pour des lecteurs français; et vous n'aurez certainement nulle envie de vous charger de la corvée longue et ennuyeuse de le traduire. Mais si par hasard cette idée vous passait par la tête, je vous déclare que je ne consens pas à ce qu'on en retranche une ligne; et que je regarderais toute mutilation comme une violence de votre part. De tous les mots injurieux qu'on est accoutumé d'accoler au titre de traducteur, il n'y en a qu'un que vous puissiez risquer de mériter; c'est celui d'infidèle; mais au-moins celui-là je ne vous l'épargnerais pas. J'espère vous avoir placé dans un défilé dont vous ne pourrez vous tirer, qu'en laissant de côté ce Discours ou ce plaidoyer. Supposant toujours que vous n'avez pas changé d'avis, et regardant Adelchi ou plustôt Adelgise comme dejà publié avec son ainé, j'ose disposer de deux exemplaires: je vous prie d'en faire tenir un de ma part à mon aimable cousine M.me Zoé Bénoît, rue du faub. Poissonière n.o 30. Je voudrais qu'un autre put arriver à Goethe: peut-être avez vous l'intention de le lui envoyer: dans ce cas, et si vous l'accompagnez d'une lettre, voudriez vous me tenir en société avec vous, et le lui offrir comme un présent fait en commun par nous deux? Vous trouverez les 2. articles que vous désiriez lire, après Adelchi. Vous m'avez demandé de suspendre la publication de mon original (je crains bien que ce n'en soit un) jusqu'à ce que vous ne m'en donniez avis: je ne demande pas mieux que de vous obéir; mais je vous fais observer qu'avec les irrégularités de la poste et de tous les autres moyens de communication, il serait fort possible que votre avis me fût retardé de quelques mois, ou même qu'il ne me parvint pas, comme il est arrivé de la lettre que Mad.e de C[ondorcet] a confiée à un improvisateur. Ainsi je vous propose de m'écrire tout-de-suite après la reception de la présente, et de me dire si, dans le cas que six semaines après le jour probable ou le Ms. vous sera parvenu, je n'eusse pas reçu votre avis, je pourais procéder à la publication d'Adelchi: cette époque devrait se rencontrer dans les premiers jours d'Aout. Je sens bien que cette lettre que je vous demande, court les mêmes risques que je crains pour celle d'avis; mais en anticipant on a au-moins le temps de redoubler, si la première vient à manquer. Écrivez moi sous l'enveloppe que je vous ai indiquée autrefois, et sous laquelle j'ai dejà reçu une lettre de vous: Al Signor Giovanni Tosi, negozio Ajroldi, Lugano = Suisse, Canton du Tésin. Si vous avez gardé l'adresse que je vous ai deja envoyée, il sera mieux vous servir de celle-là; parce que j'écris celle-ci de mémoire; et l'autre sera plus exacte.
Après vous avoir ainsi abreuvé de caquetage et de details de tout genre sur de malheureuses productions littéraires, je ne devrais pas oser ajouter encore quelques mots pour vous entretenir de projets littéraires: il faut vraiment pour cela une envie d'auteur gros, mais je le suis. Sachez donc que je suis enfoncé dans mon roman, dont le sujet est placé en Lombardie, et l'époque de 1628. à 3I. Les memoires qui nous restent de cette époque présentent et font supposer une situation de la société fort extraordinaire: le gouvernement le plus arbitraire combiné avec l’anarchie féodale et l'anarchie populaire: une législation étonnante par ce qu'elle prescrit, et par ce qu'elle fait déviner, ou qu'elle raconte: une ignorance profonde, féroce, et prétentieuse: des classes ayant des intérêts et des maximes opposées, quelques anecdotes peu connues, mais consignées dans des écrits très dignes de foi, et qui montrent un grand developpement de tout cela, enfin une peste qui a donné de l'exercice à la sceleratesse la plus consommée et la plus dehontée, aux préjugés les plus absurdes, et aux vertus les plus touchantes &c. &. Voilà de quoi remplir un canevas, ou plustôt des materiaux qui ne feront peut-être que décéler la malhabileté de celui qui va les mettre en oeuvre. Mais, s’il faut périr, pérons. J’ose me flatter (j’ai appris cette phrase de mon tailleur à Paris) | j'ose me flatter du-moins d'éviter le reproche d’imitateur: à cet effet je fais ce que je peux pour me pénétrer de l’esprit du temps que j’ai à décrire, pour y vivre: il était si original, que ce sera bien ma faute, si cette qualité ne se communique pas à la description. Quant à la marche des événements, et à l’intrigue, je crois que le meilleur moyen de ne pas faire comme les autres est de s'attacher à considérer dans la réalité la manière d'agir des hommes, et de la considérer surtout dans ce qu'elle a d'opposé à l'esprit romanesque. Dans tous les romans que j'ai lus, il me semble de voir un travail pour établir des rapports intéressans et inattendus entre les différens personnages, pour les ramener sur la scène de compagnie, pour trouver des événemens qui influent à-la fois et en différente manière sur la destinée de tous, enfin une unité artificielle que l'on ne trouve pas dans la vie réelle. Je sais que cette unité fait plaisir au lecteur, mais je pense que c'est à cause d'une ancienne habitude; je sais qu'elle passe pour un mérite dans quelques ouvrages qui en ont un bien réel et du premier ordre, mais je suis d'avis qu'un jour ce sera un objet de critique: et qu'on citera cette manière de nouer les événemens, comme un éxemple de l'empire que la coutume exerce sur les esprits les plus libres et les plus élevés, ou des sacrifices que l'on fait au gout établi. Ah! si je vous tenais, je vous ferai avaler toute mon histoire, et vous forcerais à m'aider de vos conseils; mais on ne peut ennuyer un ami qu'avec mesure à une telle distance. Oserais-je à-present vous demander compte de vos travaux? l'oserais-je dans une lettre accompagnée d'un paquet qui va probablement ravir du temps à ces travaux, que j'attends avec tant d'impatience? Vous m'aviez pourtant fait espérer que dans quelques mois une bonne partie de votre ouvrage serait complètement achévée; et le terme fixé par vous est plus qu'écoulé; ainsi je peux raisonnablement attendre que je recevrai une bonne nouvelle par votre première lettre. Il est temps de fermer celle-ci; je le fais avec un regret veritable de l'avoir remplie de commérage littéraire. Que les derniers mots au moins soient consacrés à de choses plus intéréssantes. Veuillez presenter mes tendres hommages à Mad.e de C[ondorcet] saluer bien affectueusement Cousin de ma part, et me rappeler au souvenir de M.r Thyerri &c. Pour vous, cher ami, je n'ai pas besoin de vous répeter l'assurance de sentimens qui vous sont bien connus: le tems ne fait que les rendre plus inalterables: et j'ai besoin d'espérer qu'il en est de même de votre part. Adieu, je vous embrasse.
AM.
J'ai revu le manuscrit avec soin, et je crois avoir corrigé toute faute essentielle; il reste encore quelques incorrections d'ortographe, que j'ai mieux aimé laisser que de faire du barbouillage.

P.S. 31 Mai
Ayant appris que le libraire qui devait se charger de mon paquet et de cette lettre s'arrêtera quinze jours à Turin, j'ai profité de l'offre que m'a fait une amie de M.me la Comtesse Dandolo de prier cette dame pour qu'elle voulut bien se charger de l'un et de l'autre; ainsi c'est par cette dame que le tout vous sera remis.